La chaloupe de l’Amiral NIELLY
Historique de la « yole de Bantry »
(source : Le Chasse marée)
La calamiteuse expédition de 1796
En décembre 1796, le Directoire donne ordre au général Hoche de dépêcher une armée navale pour soutenir les patriotes irlandais en lutte contre l’Angleterre. La flotte française est en mauvais état, mal entretenue, avec des officiers décimés par la Révolution ou exilés et des équipages dispersés. Pour compléter des équipages largement inexpérimentés et sans entraînement, il faudra recruter 700 galériens pour armer la flotte.
Partie de Brest, l’expédition comprend quinze navires, dont « La Fraternité », navire amiral portant la marque de l’amiral Morard de Galles, « L’Immortalité », commandé par le vice-amiral Bouvet de Précourt, et «La Résolue», commandée par le Capitaine de vaisseau Montalan.
« La Résolue » a été lancée à Saint-Malo en 1777 par l’ingénieur constructeur Guignace. C’est une frégate de 134 pieds de long sur 34,6 de large, armée de vingt-six canons de 12, six canons de 6 et quatre caronades de 36. Outre son équipage, « La Résolue » embarque 144 hommes de troupe appartenant au 8e régiment d’artillerie. Elle fait partie de l’arrière-garde de l’escadre, qui comporte cinq vaisseaux, quatre frégates, une corvette et six flûtes. Cette division est placée sous les ordres du contre-amiral Nielly, qui embarque lui-même sur « La Résolue », où il arbore sa marque : un guidon rouge hissé en tête du grand mat. On trouvera sur ce site la Biographie de ce marin devenu célèbre.
Conformément à l’usage de l’époque, l’amiral Nielly a fait embarquer sur «La Résolue» sa chaloupe personnelle, embarcation plus légère, plus fine et plus rapide que les canots réglementaires. Cette chaloupe est armée par la fine fleur de l’équipage.
L’expédition appareille de Brest dans le plus grand désordre. Ignorant que le navire amiral a modifié sa route, « Le Séduisant », vaisseau de 74 canons, fait route au sud, en compagnie de « La Résolue » et essuie près de l’Ile de Sein un coup de vent qui le drosse sur l’Ilot Tévénec. Cinq cents hommes seulement seront sauvés sur les mille cinq cents qui se trouvaient à bord… L’armée navale est dispersée.
Une mission difficile
Laissés à eux-mêmes, les commandants décachètent les instructions prévues : cap sur la pointe de Mizen Head, en Irlande. Le 21 décembre, la tempête se lève alors que la flotte a pu se rassembler à l’ouvert de la baie de Bantry. Elle durera deux jours. Tout débarquement est impossible. Deux vaisseaux, dont « La Surveillante » seront perdus. « Le Redoutable » entre en collision avec « La Résolue » qui perd beaupré, misaine, grand mât de hune et artimon. Nielly décide d’envoyer un canot demander une remorque à «L’Immortalité», au mouillage à vingt miles de là. Pour cette mission risquée, il choisit de faire mettre à l’eau sa chaloupe, armée par les meilleurs marins du bord et commandés par le lieutenant Proteau, originaire de l’Ile de Groix.
Bataillant contre la tempête sous voilure au bas ris, la chaloupe réussit à gagner au vent. Toutefois, parvenue à quelques encablures de «L’Immortalité», la tempête redouble et la chaloupe est drossée à terre et doit faire côte près de la pointe Est de l’île de Bere (Ceann Oilean), sur une petite anse sableuse qui porte le nom de Clough Beach, mais que la tradition nomme encore aujourd’hui Tra na bhFrancach, c’est à dire «la plage aux français».
De la prison à la renaissance.
L’équipage est fait prisonnier. Et, tandis que l’expédition regagne piteusement Brest, y compris «La Résolue» qui a réussi à se sauver sous gréement de fortune, la chaloupe de l’amiral Nielly est récupérée par Richard White, chef des milices garde côtes anglaises, qui la fait transporter dans sa propriété, à Seafield Park, où elle sera parfaitement conservée pendant 150 ans comme un trophée familial.
En 1944, l’embarcation est remise au Musée National d’Irlande et, mal entretenue, y tombe dans l’oubli.
En 1977, un architecte passionné, Cyril Chisholm, en fait un premier relevé.
Redécouverte par la Chasse Marée en 1985, celui ci la propose comme modèle à Lance Lee de l’Apprentice Shop de Rockport (Maine,USA), qui cherchait une embarcation emblématique pour organiser une manifestation maritime en l’honneur du centenaire de la Statue de la Liberté. Elle devient « la yole de Bantry ».
C’est ainsi que furent reconstruites des copies de la « Yole de Bantry » aux USA et en France, puis par la suite en Irlande, Angleterre, Canada, Danemark, Indonésie, etc… et qu’est né l’Atlantic Challenge, puis le Défi Jeunes Marins.
La chaloupe originale de la frégate «La Résolue», désormais sauvée, est aujourd’hui l’élément central des expositions du National Maritime Museum de Dublin, dans l’ancienne chapelle des mariniers de Dun Laoghaire, l’avant port de Dublin. Elle a fait l’objet, récemment, d’une longue et minutieuse restauration muséale.
Elle est le plus ancien bateau de construction française encore existant en bon état.
La « Yole de Bantry » ou « yole 1796 ».
La yole a une longueur de 11,64m, une largeur de 2,05m et un tirant d’eau de 0,79m. Elle arme dix avirons en pointe. Aucun élément du gréement d’origine n’ayant survécu, sauf les emplantures de mat, un plan de voilure avec trois voiles au tiers pour une surface totale de 44 m², dérivé des gréements d’embarcations de la même époque, a été dessiné par l’architecte François Vivier.
Deux séries de plans ont été dressés qui sont la propriété de l’Atlantic Challenge et du Chasse Marée et qui servent à la construction des yoles de Bantry actuelles.
Yole ou chaloupe ? Une question de terminologie maritime.
C’est parce que la coque a été conservée dans un musée en Irlande et que la série moderne a été relancée par un anglo-saxon, Lance Lee, que le terme ‘yole’ s’est imposé. Il suffit de rechercher l’étymologie du mot ‘yole’ pour reconnaître que ce nom féminin vient du danois jolle et du néerlandais jol et désigne à l’origine « une embarcation légère et allongée, d’un faible tirant d’eau, propulsée généralement à l’aviron ». Donc l’origine anglo-saxonne du terme est évidente mais la spécificité ‘voile-aviron’ douteuse. S’agissant de l’embarcation de l’amiral Nielly, embarqué sur La Résolue en 1796, ce type d’embarcation porte un nom traditionnellement utilisé dans la marine, encore aujourd’hui, il s’agit de ‘chaloupe’, lequel désigne la plus grande embarcation mue à la voile et/ou à l’aviron embarquée sur un navire, à ne pas confondre avec le canot, qui est un terme générique mais appliqué aux navires de la marine en bois, désigne au contraire l’embarcation de la plus petite taille. Le terme de ‘canot-major’ désigne l’embarcation particulièrement utilisée pour effectuer les mouvements d’embarquement et de débarquement des officiers d’un navire, alors que l’embarcation portant l’amiral s’appelle la ‘chaloupe amirale’.
La yole de Bantry devrait donc être appelée « chaloupe amirale » et non « yole »– (source: Eric de Wolbock)
Les Yoles de Bantry aujourd’hui
Suite à l’impulsion du Chasse-Marée et de l’Atlantic Challenge, plus de 70 yoles de Bantry naviguent aujourd’hui en France et dans le monde. Pour rejoindre une des associations qui gèrent ces yoles, voir la page consacrée à l’annuaire des associations
(sources: Le Chasse Marée)