Ce récit et les remarques qui lui font suite sont un « relevé » de ce qui c’est produit, de ce qui a été entrepris, des points positifs et négatifs que ce genre de mésaventure peut apporter. Il n’est en aucun cas le modèle de ce qui doit être fait ou, pas à faire car les circonstances, les conditions d’environnement, l’expérience de l’équipage et le gréement de la yole sont autant de facteurs qui peuvent faire évoluer la situation plus ou moins en faveur des acteurs !

Date : Le vendredi 22 septembre 2006.

Lieu et circonstances: Régates internationales de yoles de Bantry en rade de Marseille, à 800 yards dans l’ouest du feu vert d’entrée du port de la Pointe Rouge. Fonds de 20 à 25 mètres.
Bords d’attentes à la voile avant procédure de lancement d’une manche de régate voiles /avirons.

Météo : Vent de secteur E.S.E pour 20 nœuds établis et jusqu’à 30 nœuds sous rafales. Bourrasques violentes car influence importante du relief environnant. Très peu de clapot, car proche de la terre avec le vent venant de la terre. Température de l’eau de mer environ 20° C.

Gréement : Yole sous, misaine avec 2 ris, grand-voile avec 2 ris, et tape-cul.
Equipage : 13 personnes équipées de brassières avec sous cutale.

« Causes » du chavirages :

Lors d’un virement lof pour lof pour passer de bâbord amure à tribord amure, les équipiers ont pris leurs places pour effectuer le « changement » des voiles. Une brusque variation d’orientation du vent sur une forte rafale, a fait passer misaine et grand voile de l’autre côté (empannage) et ce avant que l’une et l’autre ne puissent être amenées. La yole a alors gîté et dépassé rapidement le moment de redressement. Elle s’est couchée, stoppée, mâts à l’horizontale et coque perpendiculaire au plan d’eau, travers au vent.

Actions menées pour le redressement puis un retour à la normale :

L’ensemble de l’équipage s’est retrouvé à l’eau et ce sans dommages aux personnes. Un petit laps de temps s’est écoulé avant que chacun ne retrouve ses esprits. Une vérification du nombre des équipiers a été faite, ainsi que la prise en charge des plus « fragiles ».
Il a été demandé à chacun de rester au contact de la yole et dans la mesure du possible de récupérer ce qui pouvait flotter autours d’eux (sacs à dos, morceaux de plancher amovibles).
Lors du chavirage, les 3 mâts sont restés en place.
Misaine, grand voile et tapecul ont été affalés pour faciliter le redressement de la yole. La misaine a été récupérée par une embarcation de l’organisation puis nous a été restituée en fin d’écopage.
3 personnes se sont placées à l’avant, au milieu et à l’arrière, côté quille. Par le simple appui de leur poids, pieds sur la quille, la yole s’est redressée sans efforts. Elle s’est stabilisée horizontalement avec l’eau jusqu’au plat bord ! L’avant et l’arrière sortent de l’eau jusqu’aux portières 8 et 2 environ.
Le chef de bord et un chef de nage sont alors montés à bord, pendant que les équipiers maintenaient du mieux possible la yole à l’horizontale.
A l’aide des 2 seaux, ils ont commencé à vider l’eau pour la faire « passer » sous le niveau des portières. Une fois cette étape atteinte 2 autres équipiers ont pu se hisser à bord pour augmenter la rapidité de vidage. Certains équipiers se sont ensuite relayés pour économiser leurs forces et gagner en efficacité. Les embarcations de sécurité de l’organisation sont venues prêter main forte pour récupérer les équipiers les plus fragiles et fournir des seaux supplémentaires pour activer l’écopage.
Sur JEM’VAR, le mouillage est positionné sous les planchers amovibles devant le mât de misaine. Il est toujours prêt à être mis en œuvre, et « grâce » à ce positionnement, il est resté à sa place durant le chavirage. De ce fait, dès que cela a été possible, nous avons mouillé pour éviter de trop dériver et maintenir plus naturellement la yole face au vent et au clapot pour faciliter les opérations d’écopage. Cette phase d‘écopage a pris environ 30 minutes et pendant celle ci les équipiers qui remontaient à bord rangeaient la yole, relayaient les écopeurs et la préparaient pour naviguer de nouveau.
Une fois la yole asséchée, un tour complet des équipements a été fait pour en vérifier la viabilité. Les mâts de misaine et GV ont été amenés pour récupérer drisses et rocambeaux, puis remâtés.
Seuls 2 équipiers n’ont pas souhaité revenir à bord et ont été pris en charge par les embarcations de l’organisation.
Environ 45 minutes après le dessalage JEM’VAR s’alignait pour le départ de 2 manches de régates voiles/avirons.
Aucune casse de matériel n’a été à déplorer, seule une gaffe et un pavillon ont été perdus. 3 téléphones portables et 1 appareil photo numérique n’ont pas apprécié la baignade !

Remarques :

– Les réserves de flottabilité ont joué un rôle primordial dans le redressement, le maintient en position horizontale et la sustentation en « surface » de la yole. Une seule d’entre elle s’est détachée, mais est restée coincée par les bancs Elles sont, à notre avis, indispensables pour préserver la sécurité de la yole et leur conception doit être étudiée pour qu’elles remplissent au mieux leur office (longueur suffisante pour rester sous les bancs même détachée, volume adapté pour un compromis entre efficacité et liberté de mouvements des équipiers à l’aviron, etc.).
– Il est impératif de rappeler aux équipiers qu’ils doivent rester au contact physique de la Yole. En effet, tant que l’on n’a pas pu mouiller la prise au vent sur la coque est importante. Or, une personne à l’eau dérive beaucoup moins vite… Donc, si cette personne s’éloigne de la yole elle aura de grandes difficultés pour la rejoindre à nouveau.
– Les avirons qui n’étaient pas saisis, car nous nous alignions pour une régate voiles/avirons n’ont pas apporté de gène supplémentaire une fois la yole couchée. Ceux situés sur bâbord se sont retrouvés coincés contre les mâts par leur flottabilité, et ceux de tribord, posés sur les mâts. Leur amarrage ainsi que celui de tout ce qui peut l’être, reste tout de même gage de sécurité car, ils pourraient blesser des équipiers lors du chavirage.
– Le mouillage disposé, paré, sous le plancher avant amovible permet son maintient à bord ; cela fut non négligeable pour la suite des événements. Les fonds (environ 25 m) nous ont permis de mouiller et de stabiliser au mieux la yole.
– Lors des virements lof pour lof par grand vent, affaler la grand voile avant de passer le lit du vent procure une plus grande sécurité lors du virement
– Au moment de ces virements les équipiers sont répartis de façon moins adéquate qu’en route stabilisée (il faut bien qu’ils manœuvrent !) et apportent immanquablement une instabilité plus marquée, la vigilance doit être de mise.
– Les brassières avec sous-faîtes sont indispensables car cet élément évite toute possibilité d’enlèvement et permet d’aider à hisser à bord les personnes qui, vêtements chargés d’eau, ont du mal à passer le plat bord.
– Un container étanche est indispensable pour protéger le matériel sensible tel que les fusées, le compas, la VHF, les téléphones ou appareil photos etc…
– La présence des embarcations de sécurité de l’organisation a apporté un soutient non négligeable. Il faut donc être encore plus vigilant lors d’une navigation solitaire de la yole.
– Un clapot formé doit sérieusement compliquer la tâche d’écopage car l’eau doit pénétrer aussi vite que les équipiers peuvent la vider ! Se faire remorquer à l’abri semble une solution envisageable puisque la yole ne coule pas.
– La Yole Jem’Var semble assez lourde (mais n’a pas encore été pesée), et par conséquence semble un peu plus basse sur l’eau que les autres (à vérifier).
Une gîte importante peut entraîner un embarquement d’eau plus vite

Conclusion :

Cette « expérience », qui s’est terminée le mieux du monde, n’est bien sûr, à souhaiter à personne… Elle s’est passée au mois de septembre avec une eau à environ 20° C, la même chose au mois de janvier ne doit pas se vivre de la même façon.
L’équipage a pris d’autant mieux la mesure de la nécessité d’équilibrer en permanence la yole et que tout déplacement à bord n’est pas anodin.
Il nous semble que revenir régulièrement sur les mesures de sécurité à bord doit être une des priorités des chefs de bord. L’habitude et la facilité ne doivent pas faire disparaître ses actions de sécurité.